Interview exclusive de S.E.M. Wang Xining, Ambassadeur de Chine au Tchad
L’ambassadeur de la République Populaire de Chine au Tchad a accordé une interview exclusive dans laquelle il met en exergue les relations sino-africaine, évoque la question de la ceinture et la route prônée par le Président Chinois Xi Jinping et les rapports entre Pékin et N’Djamena.
Ci-dessous l’intégralité de l’interview.
1. L’année 2023 marque le 10e anniversaire de la mise en avant de l’initiative « la Ceinture et la Route ». Fin 2021, parmi les 53 pays africains qui ont établi des relations diplomatiques avec la Chine, 52 pays et la Commission de l’Union africaine ont signé des documents de coopération avec la Chine pour la construction conjointe de « la Ceinture et la Route ». L’Afrique est ainsi devenue une des parties prenantes les plus importantes pour l’initiative « la Ceinture et la Route ». Pouvez-vous présenter brièvement la mise en œuvre des projets au Tchad dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route » ces dernières années, ainsi que les réalisations de la coopération bilatérale dans les infrastructures, les soins médicaux et la santé, l’agriculture et la formation des jeunes talents ? Quelles opportunités et sources de croissance économique a-t-elle créées pour le Tchad ?
Bonjour à tous ! C’est un grand plaisir pour moi d’accorder cette interview exclusive.
En septembre 2018, lors du Sommet de Beijing du Forum sur la Coopération sino-africaine, la Chine et le Tchad ont signé un mémorandum d’entente en matière de construction conjointe de « la Ceinture et la Route ». Le Tchad est ainsi devenu l’un des premiers pays à en bénéficier. Sous la direction de cette Initiative, les relations bilatérales entre la Chine et le Tchad ont maintenu une bonne dynamique de développement. La coopération dans divers domaines n’a cessé de s’approfondir et plusieurs projets de coopération importants se sont concrétisés les uns après les autres au Tchad.
Je vous donne quelques exemples. Nous avons comme fruit de coopération le stade de N’Djaména d’une capacité de 30 000 places. En 2019, feu le Président Idriss Déby Itno en a posé la première pierre. Les travaux se déroulent comme prévu. Ce sera le plus grand stade de la région de l’Afrique centrale.
Nous avons lancé en 2020 le Projet de Modernisation des Infrastructures et des Communications électroniques. En tant que premier résultat-clé de ce projet, la construction d’un Centre National des Données va bientôt s’achever.
Nous avons également une École de formation professionnelle qui verra le jour en mars de l’année courante. Une fois terminée, l’École formera nombreux de jeunes professionnels tchadiens, contribuant ainsi au processus d’industrialisation du pays. Elle aidera les jeunes à acquérir des compétences professionnelles et à booster leur employabilité.
La Chine a envoyé 7 missions agricoles au Tchad pour former les agriculteurs tchadiens à la riziculture. Les experts chinois les ont aidés à augmenter le rendement moyen du riz à 5,8 tonnes par hectare, soit 1,3 tonne de plus que le rendement moyen national.
Cette année marque le 60e anniversaire de l’envoi par la Chine de sa première équipe d’aide médicale à l’étranger. La Chine a envoyé jusqu’à présent 18 équipes médicales au Tchad. Avec leurs compétences médicales, elles offrent des services à la population locale. Des experts chinois viennent de finir une étude de faisabilité du projet de la modernisation de l’Hôpital de l’Amitié Tchad-Chine. Dans un avenir proche, les Tchadiens pourront bénéficier des services de meilleure qualité.
Après trois ans de pandémie, une nouvelle mission de la caravane « Action Lumière » devrait être reprise pour effectuer gratuitement des opérations aux patients qui souffrent des maladies oculaires.
Nous avons des échanges interpersonnels et culturels qui permettent aux jeunes tchadiens de se perfectionner en Chine et de jouir des meilleures ressources éducatives. Les entreprises chinoises ici au Tchad vont de même fournir des opportunités de formations professionnelles et de visites en Chine.
Nous avons inauguré en 2021, au sein de l’Université de N’Djaména, le premier Institut Confucius au Tchad, pour promouvoir l’enseignement de la langue chinoise et construire un pont d’amitié entre les deux pays.
Nous avons vu la signature d’un accord de jumelage entre la ville de Chongqing et N’Djaména, capitale du Tchad. Cela a ouvert un nouveau chapitre dans la coopération entre les gouvernements locaux de nos deux pays.
En outre, la coopération entre la Chine et le Tchad couvre encore un large éventail de domaines.
L’Initiative « la Ceinture et la Route » est une plate-forme importante pour la Chine et d’autres pays du monde pour mener largement la coopération internationale. Dans le cadre de ladite Initiative, la Chine et le Tchad ont exploité sans cesse des potentiels de la coopération et enrichi le partenariat, ce qui en fera une source continue de l’amitié entre nos pays. La Chine va toujours adhérer au principe de consultation étendue, de contribution conjointe et de bénéfices partagés, poursuivre la coopération gagnant-gagnant et le développement commun. Avec les efforts conjoints des deux pays, les peuples chinois et tchadien pourront bénéficier davantage de cette Initiative.
2. L’année 2023 marque l’année où commence la mise en œuvre complète des principes directeurs du 20e Congrès national du Parti communiste chinois. Une série de propositions chinoises telles que la « la Ceinture et la Route » et l’Initiative pour le développement mondial doivent être concrétisées de manière approfondie. Selon vous, l’approche de la modernisation chinoise peut-elle enrichir davantage la coopération sino-africaine et jouer un rôle positif dans le développement du Tchad et de l’Afrique ?
Je travaille en tant qu’Ambassadeur depuis à peu près six mois. Les échanges avec les Tchadiens de tous horizons me donnent une forte impression que beaucoup d’entre eux commencent à poser leur regard sur l’Orient, en particulier la Chine. Leurs attentes vis-à-vis de la coopération pragmatique et leur désir d’apprendre les bonnes pratiques de développement chinois sont élevés, puisqu’ils ont vu de leurs propres yeux les changements profonds qu’a connu la Chine ces dernières dizaines d’années. Ils m’ont dit que le modèle occidental est censé si longtemps être la seule voie vers la modernisation puisque les pays occidentaux étaient les premiers à la réaliser. Aux yeux de beaucoup, pour être parmi les pays modernes, les pays en développement ne font que suivre la voie de développement occidentale. Pourtant ces dernières années, les amis africains et tchadiens ont constaté qu’au cours des années écoulées depuis la fondation de la République populaire de Chine, surtout depuis que la Chine a entamé sa réforme et son ouverture, ce pays a connu des réalisations qui ont impressionné le monde entier. La Chine est maintenant la deuxième plus grande économie du monde, le plus grand pays industriel, le plus grand pays en termes de commerce de biens possédant le plus de réserves de change. Elle est un moteur de la croissance économique mondiale. La Chine a réalisé un développement que les pays occidentaux ont parcouru durant des centaines d’années et a créé les « deux miracles » que sont le développement économique rapide et la stabilité constante de la société.
Les amis tchadiens l’apprécient et l’admirent énormément. Ils m’ont souvent demandé comment la Chine a réalisé le développement économique rapide et la stabilité constante de la société. Ce que je leur ai expliqué à maintes reprises, c’est « la modernisation chinoise », une conception que le secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois Xi Jinping a souligné dans le rapport soumis au 20e Congrès national du PCC. Je leur ai dit que la modernisation chinoise possède non seulement des caractéristiques chinoises basées sur les réalités concrètes du pays, mais partage aussi des points communs avec la modernisation à laquelle aspirent les pays en développement. M. Xi a souligné cinq caractéristiques de la modernisation chinoise.
Premièrement, la Chine a une population très importante. Deuxièmement, la Chine s’efforce de parvenir à une prospérité commune du peuple tout en évitant une polarisation sociale. Troisièmement, la Chine s’applique à garder l’équilibre entre la civilisation matérielle et spirituelle en vue d’assurer une grande richesse à la fois matérielle et spirituelle. Quatrièmement, la Chine poursuit un développement durable et a pour but de réaliser une coexistence harmonieuse entre l’homme et la nature. Cinquièmement, la Chine s’engage dans la voie du développement pacifique au lieu de suivre l’ancienne voie empruntée par certains pays pour réaliser leur modernisation à travers la guerre, la colonisation et le pillage.
À mon avis, ce modèle de développement correspond mieux aux réalités nationales des pays en développement parce qu’il permet de maximiser sur le plan économique leurs avantages de second entrant et la diversité sur le plan culturel, tout en transformant efficacement leurs ressources de bonne qualité en une force motrice d’un développement rapide, pour que ces pays puissent atteindre leurs objectifs d’être indépendant et prospère.
Je voudrais également souligner que l’idée de suivre la voie du développement pacifique est celle qui résonne le plus parmi nos amis africains. Il faut savoir que les Africains s’engage depuis longtemps à combattre le colonialisme occidental. C’est juste cela qui est à l’origine de la pauvreté, de l’instabilité et des conflits que connaît l’Afrique aujourd’hui. En revanche, les Chinois appellent toujours à « l’harmonie dans la différence » et à « la primauté de la paix ». Ils croient qu’« entre quatre mers, tous les hommes sont frères ». Ni l’agression ni l’hégémonisme ne font partie de l’ADN des Chinois. Le peuple chinois n’impose jamais ses propres souffrances aux autres peuples. Depuis la fondation, la Chine n’a jamais déclenché une guerre d’agression ou un conflit. Comme la paix et le développement demeurent le thème de notre époque, le modèle chinois pourrait servir de référence pour les pays en développement à la quête de la modernisation.
La Chine, en tant que plus grand pays en développement, a pavé avec succès sa propre voie conduisant à la modernisation et étendu ainsi la pratique vers la modernisation pour les pays en développement. Certes, la Chine ne veut pas donner des leçons aux autres ni exporter son modèle. Ce qu’elle a à faire, c’est d’échanger avec d’autres pays en développement des pratiques utiles pour se moderniser et les soutenir dans la recherche d’une voie qui leur est appropriée tout en suivant l’idée de la communauté d’avenir partagé pour l’humanité, proposée par le Président Xi Jinping. J’ai la conviction qu’en observant les règles de la modernisation, en reconnaissant ses réalités concrètes, et en poursuivant une bonne voie, les pays en développement, y compris le Tchad, vont réaliser une modernisation avec ses propres caractéristiques.
3. Cette année marque le 10e anniversaire de la mise en avant du principe dit « de sincérité, de résultats effectifs, d’amitié et de bonne foi », et du concept de la recherche du plus grand bien et des intérêts partagés, initiés par le président Xi Jinping lors de sa première visite en Afrique en 2013. Ils sont devenus la ligne directrice de la coopération sino-africaine. Au cours des 10 dernières années, sous la direction et la promotion conjointes des dirigeants chinois et africains, les relations sino-africaines ont fait des réalisations historiques, qui ont attiré l’attention du monde entier et sont entrées dans une nouvelle ère de construction d’une communauté de destin Chine-Afrique de haut niveau. Comment comprenez-vous le concept de communauté de destin pour l’humanité ? À un nouveau point de départ historique, quelles sont vos attentes pour construire une communauté de destin Chine-Afrique de haut niveau et promouvoir le développement à long terme des relations sino-tchadiennes ?
J’ai visité dans le passé plus de 20 pays africains et eu des échanges avec les Africains amicaux. Pendant mon séjour au Tchad, j’ai eu davantage d’échanges sincères avec les amis tchadiens. À mon avis, ils ont tous une vision de « la Grande Afrique », c’est-à-dire qu’ils se préoccupent non seulement du développement de leur propre pays, mais aussi de celui du Continent africain. À leurs yeux, les pays africains constituent une communauté d’avenir partagé.
Quant à la Chine, elle attache une grande importance à l’amitié traditionnelle et à ses relations avec l’Afrique. Le renforcement de la solidarité et de la coopération avec les pays africains a toujours été une priorité diplomatique pour la Chine. Quelle que soit l’évolution de la situation internationale, la Chine et les pays africains constituent toujours une communauté d’avenir partagé.
Cette année marque le 10e anniversaire de la mise en avant du principe dit « de sincérité, de résultats effectifs, d’amitié et de bonne foi » et de la bonne conception de la justice et des intérêts, dont le Président Xi Jinping a pris l’initiative lors de sa première visite en Afrique. J’ai eu l’occasion de faire partie de la délégation accompagnant le Président Xi Jinping dans certains pays africains. J’ai l’impression profonde qu’au cours de la dernière décennie, grâce aux orientations et à l’engagement conjoints des dirigeants chinois et africains, les relations Chine-Afrique ont connu des réalisations historiques qui ont impressionné le monde entier. La confiance politique mutuelle s’est approfondie. Une nouvelle croissance et de nouveaux points forts sont apparus dans la coopération économique et commerciale. La coopération sociale a connu un essor. Les échanges interpersonnels se sont étendus. La coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité a connu des progrès constants. Nous sommes déjà entrés dans une nouvelle ère de construction d’une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de haut niveau. Avec des actions concrètes, la Chine a démontré sa volonté cordiale de contribuer au développement à l’Afrique.
À l’avenir, la Chine va s’appuyer sur l’amitié traditionnelle sino-africaine, consolider les fondements de la confiance mutuelle et répondre exactement aux besoins de développement des pays africains afin d’insuffler un fort élan au développement du Continent africain. La Chine et les pays africains vont inscrire ensemble un nouveau chapitre plus splendide du développement et de la coopération.
4. Le pays prospère grâce aux jeunes talents. Quels sont vos messages et vos souhaits pour les jeunes chinois et tchadiens qui travaillent dur dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route » ?
La force de la jeunesse fait la force d’un pays. C’est ce que M. Xi Jinping a souligné dans le rapport soumis au 20e Congrès national du PCC. Les jeunes sont l’avenir d’un pays, l’espoir d’une nation et le moteur du développement économique et social. L’avenir des relations sino-tchadiennes repose sur la jeunesse des deux pays. Je suis ravi de constater que ces dernières années, de plus en plus de Tchadiens apprennent la langue chinoise et découvrent la culture chinoise. Beaucoup d’entre eux ont même vécu en Chine pour les études, les formations et les visites. Il y a quelque jours, l’Ambassade a organisé des échanges approfondis avec les jeunes tchadiens qui ont étudié en Chine. Ils sont pleins d’attentes envers la Chine et voudraient visiter encore une fois la Chine. La Chine en plein développement offre aux jeunes tchadiens des opportunités de s’épanouir, et favorise énormément le développement intégral de ce pays. J’espère sincèrement que de plus en plus de jeunes tchadiens peuvent réaliser leur épanouissement personnel en s’engageant activement dans la coopération sino-tchadienne.
Également, je voudrais souligner que l’Afrique est un continent prometteur plein de potentiel, de vitalité et de rêves. Je souhaite que davantage de jeunes chinois puissent venir en Afrique pour la visiter ou y démarrer une entreprise. Qu’ils puissent atteindre leurs objectifs de vie sur ce jeune Continent et créent avec leurs jeunes amis tchadiens, voire africains, un avenir encore plus radieux de la coopération sino-africaine.
Source : CGTN